Sarah Baartman, victime de la traite négrière, exhibée et étudiée comme spécimen scientifique en France

L’histoire de Sarah Baartman est un exemple particulièrement choquant de l’attitude des européens durant la période esclavagiste et post-esclavagiste. Exhibée et montrée dans une cage entre l’Angleterre et l’Irlande, la jeune africaine fut ensuite emmenée en France. Elle devint à la fin de sa vie, l’objet de recherches scientifiques et médicales qui concrétisèrent le fondement des grotesques idées européennes sur la sexualité des femmes noires.

Sarah Baartman est morte le 29 décembre 1816, elle avait environ 26 ans.

Son périple en Europe commence quand Sarah Baartman est conduite en Angleterre en 1810 et exposée sur scène dans une cage en tant que curiosité sous le nom de Vénus Hottentot. L’histoire de Sara Baartman sera de nouveau à la Une des journaux européens quelques siècles plus tard. En 1981, le paléontologue Stephen Jay Gould publiera un ouvrage sur son histoire dans son livre The Mismeasure of Man.

Sarah Baartman, alias Sara ou Saartjie, est une femme khoi-san d’Afrique du Sud-Est, née en 1789 au Cap oriental en Afrique du Sud. Elle appartenait au groupe d’élevage de bétail Gonaquasub des Khoikhoi. Sa mère meurt à l’âge de deux ans et son père conducteur de bétail, décède quand elle n’est encore qu’une l’adolescente. Quelques années plus tard, Sarah Baartman épouse un homme Khoikhoi et enfante, son bébé mourra peu de temps après sa naissance. A seize ans, son conjoint est assassiné par des colons néerlandais. La vie de la jeune Sarah Baartman changera radicalement, elle est mise en esclavage, elle est vendue à un commerçant, Pieter Willem Cezar, qui l’emmène au Cap où elle devient domestique. Son surnom de «Saartjie» lui est donné à cette époque, il s’agit du diminutif néerlandais de son prénom Sara.

 

Le 29 octobre 1810, Baartman «signe» un contrat avec un chirurgien anglais, William Dunlop un ami de son maître Pieter Willem Cezar et de son frère Hendrik. Les termes de son contrat stipulaient qu’elle voyagerait avec Hendrik Cezar et Dunlop en Angleterre et en Irlande pour travailler comme domestique et s’exposer sur scène. Les zoos humains étaient populaires en Europe et les familles Cezar avaient des problèmes financiers. Mais Sarah avaient l’assurance qu’elle recevrait une «partie des revenus» de ses expositions et pouvait retourner en Afrique du Sud après cinq ans. Un contrat paraphé par une jeune  femme analphabète et qui soulève pleines d’interrogations.

Sarah Baartman, femme khoi-san africaine, avait une particularité génétique, une hypertrophie de la région fessière, commune chez les femmes khoisanes et connue sous le nom de stéatopygie. la stéatopygie entraîne un volume anormalement important d’un tissu organique ou d’un organe qui atteint son niveau de développement maximal au cours de la première grossesse. Au début des années 1800, l’Angleterre avait une fascination pour les larges fessiers. Selon Rachel Holmes, auteur de La Vénus Hottentot : La vie et la mort de Saartjie Baartman :  « Il était très à la mode et souhaitable pour les femmes d’avoir de grosses fesses, donc beaucoup de gens enviaient ce qu’elle avait naturellement».

Dès son arrivée à Londres, Sarah Baartman est exposée à Londres. Pour 2 shillings, de 13h à 17h, au 225 Piccadilly, les gens pouvaient voir la jeune africaine présentée à la fois comme un animal et comme femme exotique. Sur scène, elle portait des vêtements moulants, de couleur chair, ainsi que des perles et des plumes et fumait une pipe. Régulièrement, elle était forcée de montrer ses fesses, coincée dans une cage d’environ un mètre et demi de haut. Cerise sur le gâteau, des clients fortunés pouvaient payer pour des manifestations privées dans leurs maisons, avec leurs invités autorisés à la toucher.

Les directeurs de spectacle la surnommaient la «Vénus Hottentot». Un terme péjoratif utilisé par les Hollandais pour décrire les Khoikhoi et les San, qui ensemble, forment les peuples de Khoisan.

Comme l’observe Rachel Holmes : «Presque du jour au lendemain, Londres a été prise de Saartjie-mania avec une effusion de poésie populaire sur le thème du «Sartjee», de ballades, de caricatures grand format, d’articles et de satires. »

En 1807, l’Empire britannique avait aboli la traite des esclaves mais pas l’esclavage lui-même. La jeune Sarah eu un répit quand un jeune Jamaïcain, Robert Wedderburn, le fondateur de «l’Association africaine pour faire campagne contre le racisme», a fait pression sur le gouvernement pour qu’il mette fin au spectacle quotidien en lui soulevant la question de l’esclavage que subissait Sarah Baartman. Les militants ont poursuivi en justice les employeurs pour avoir maintenu Sarah Baartman contre sa volonté.

Seulement, Sarah sous l’emprise de Hendrik Cezar a témoigné qu’elle n’était pas maltraitée. Les tribunaux ont reconnu que Sarah Baartman avait conclu un contrat de son plein gré. Son «contrat» a donc été modifié et elle a eu droit à de meilleures conditions, à une plus grande part des bénéfices et à des vêtements chauds. «Vénus Hottentot» a continué sa tournée en Grande-Bretagne et en Irlande. Mais le pire était à venir quand elle arrive à Paris en 1814, dix_huit mois plus tard, elle mourrait.

En attendant, Hendrik Cezar retournera en Afrique du Sud et Sarah Baartman sera sous l’influence totale d’un «exposant animal», qui porte le nom de scène : Reaux. Il l’exposera aux environs de Paris, récoltera les bénéfices financiers de la fascination du public pour le corps de la jeune africaine du Sud. Reaux a commencé à l’exposer dans une cage à côté d’un bébé rhinocéros, son «entraîneur» lui ordonnant de s’asseoir ou de se tenir de la même manière que les animaux de cirque. Parfois, Sarah Baartman, exposée presque complètement nue, portant un peu plus qu’un pagne beige, quand elle en était autorisée après  son insistance à couvrir ses parties intimes. Selon les écrits sur Sarah Baartman, on pense qu’elle a bu et fumé beaucoup pour faire face à ses épreuves humiliantes.

A Paris, l’anatomiste et paléontologue Georges Cuvier, qui avait dansé avec Sarah Baartman à l’une des fêtes de Reaux, (l’exposant animal), lui demande l’autorisation d’étudier Sarah Baartman comme spécimen scientifique. À partir de mars 1815, Sara fut étudiée par des anatomistes, zoologistes et physiologistes français. Elle a refusé de se présenter entièrement nue devant eux, manifestant sa dignité, ce qu’elle n’avait jamais fait dans l’un de ses spectacles.

Sarah Baartman décède en 1816 à l’âge de 26 ans  de «maladie inflammatoire et éruptive», de pneumonie, de la syphilis ou de l’alcoolisme? Après sa mort, son corps est devenu l’objet de recherches «scientifiques» et «médicales» pour promouvoir les grotesques stéréotypes raciaux. 

Georges Cuvier obtiendra ses restes de la police locale et en fera un plâtre de son corps, avant de le disséquer minutieusement. Jean Léopold Nicolas Frédéric Cuvier dit Georges Cuvier a conservé son squelette et au nom de la science, a décapé son cerveau et ses parties génitales et les a placés dans des bocaux qui ont été exposés au Musée de l’Homme jusqu’en 1974. Le paléontologue a déclaré plus tard : «Ses mouvements avaient quelque chose qui rappelait celle du singe et ses organes génitaux externes rappelaient ceux de l’orang-outan. » Son cerveau, son squelette et ses organes sexuels n’ont été rapatriés et enterrés qu’en 2002.

En 1994, Nelson Mandela a demandé le rapatriement de la dépouille de Sarah Baartman et du plâtre de Cuvier. La transaction a duré huit ans, les Français ayant rédigé un projet de loi qui ne permettrait pas à d’autres pays de réclamer des trésors pris par les Français.

En réponse à une remarque de Roger-Gerard Scwartzenberg (sur la question du retour des restes de Sarah),  Thabo Mbeki, président de la République de 1999 à 2008 et ancien membre de L’ANC a indiqué au politologue français que : «la monstruosité réside dans la question des mauvais traitements grossiers infligés à une femme africaine sans défense en Angleterre et en France! Ce n’était pas l’être humain abusé qui était monstrueux mais ceux qui l’ont maltraitée. Ce n’était pas la femme solitaire africaine en Europe, aliénée de son identité et de sa mère patrie qui était la barbare, mais ceux qui l’ont traitée avec une brutalité barbare. »

Le 9 août 2002, à l’occasion de la Journée de la femme, la dépouille de Sarah Baartman a été enterrée dans la région de sa naissance.

Aujourd’hui, Sarah Baartman est considérée par beaucoup comme l’incarnation de l’exploitation coloniale et du racisme, du ridicule et de la marchandisation de Les Noirs; et la figure «par excellence» de l’oppression des genres et des oppressions raciales.

Source:
http://www.bbc.co.uk/news/magazine-35240987
http://www.news24.com/MyNews24/Do-you-know-Sarah-Baartman-20140528
https://www.theguardian.com/education/2002

Dorothée Audibert-Champenois/Facebook Twitter C’news Actus Dothy
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